Christian Alandete “Les âmes grises” / mai 2019
Dans la nuit de samedi à dimanche, une étoile, parmi les 250 milliards composant la voie lactée, vient de s’éteindre à quelques milliers d’années lumières de la terre. Pourtant, sa lueur continuera à parvenir jusqu’à nous, pendant encore quelques centaines d’années. Y aura-t-il encore quelqu’un pour l’observer ? L’humain est, depuis quelques dizaines d’années, entré dans l’ère de l’Anthropocène, une nouvelle étape programmée d’extinction massive des espèces, dûe à l’impact de l’activité humaine sur l’écosystème terrestre. Le doigt posé sur la gâchette, l’espèce joue à la roulette russe avec ses congénères et son environnement, à la fois conscient et insouciant du danger. Demain est un autre jour. Une génération désenchantée a porté l’étendard d’un nouveau romantisme. On mourrait alors encore d’amour et il faudra se protéger. Dans les nuits fauves des corps emmêlés, l’hécatombe annoncée se comptera par milliers. Mais demain sera un autre jour. On croit alors à la binarité : le noir et le blanc, le bien et le mal, le corps et l’esprit façonnés par un langage binaire, suite infinie de zéros et de uns. Puisque l’enfer c’est les autres, il faut agencer, ordonner, contrôler ; l’observateur – voyeur du panoptique est le garant d’une séparation assumée du bon grain de l’ivraie. Les architectes de la modernité ont bâti le projet d’une société nouvelle. Il fallait réduire les distances, rapprocher le haut du bas, les hommes des femmes, les villes des campagnes et croire que demain serait un autre jour. Sur les ruines de la modernité, la main d’œuvre, sacrifiée, regarde passer les heures en attendant son tour, et demain n’est qu’un autre jour. L’œuvre de John Cornu semble le témoin d’une époque tiraillée entre l’héritage moderniste – et son idéologie égalitaire – et les réminiscences d’un romantisme débarrassé de ses scories. Christian Alandete |