Marie-Cécile Burnichon, “John Cornu” (fr & eng)

L’œuvre élaborée par John Cornu fait référence aux matériaux de l’art minimal et conceptuel de manière explicite, entre autres, par les néons, les étagères ou les éléments tubulaires. Il utilise le potentiel d’assemblage de ces éléments pour les déployer dans l’espace sur un mode relevant de la prolifération organique, créant donc une contradiction apparente avec l’univers dont ces formes sont issues. Par ce développement à la fois rhizomique et viral, il explore un ensemble de situations qui proposent, selon ses propres termes, des « dégradés » d’œuvres in situ à des oeuvres situées (en relation à un contexte sans en être déduites). Il s’agit des premières inflexions inoculées à un système de références et un vocabulaire où il ne semblait jusque-là ne s’accorder que peu d’écarts. Ces brèches génèrent des amorces narratives ou une dimension onirique qui ajoutent une stratification supplémentaire à la densité des pièces. D’autres œuvres rejouent l’attention portée aux matériaux et aux espaces, en proposant au visiteur d’entendre l’incandescence ultime d’un néon. Des micros sont placés contre, tout contre le tube lumineux, prêts à rendre audible le chant du cygne de ce matériau identifié à l’art conceptuel. À l’instar de ses photographies de pluie, il semble que pour ces travaux, l’artiste soit à la recherche, quel que soit le support, de ce que Roland Barthes a désigné comme punctum pour la photographie (la saisie sur le vif ce qui fut et par conséquent, la représentation de ce qui est désormais absent).
À propos de ce concept de fin, les travaux les plus récents de John Cornu révèlent une évolution sensible et proposent des simulacres de destruction, une fin mise en scène. Pour cette exposition, il présente des tasseaux de bois appuyés à intervalles réguliers contre le mur. Comme calcinés et rognés par endroits, ces éléments ont en fait été poncés jusqu’à ce que les nœuds du bois fassent obstacle au rabotage, puis ils ont été peints en noir et patinés. C’est sans doute parce qu’ils ont été ramenés à leur substantifique moelle que l’artiste les définit comme des objets de peinture. En revanche, leur disposition soigneusement réglée suggère davantage des objets rituels. Non loin de là, gisent au sol des poutrelles de béton morcelées qui exhibent leurs fers, comme un écorché révèle ses artères et ses veines. À la manière de mouches se précipitant sur une charogne, une multitude de billes aimantées se sont agglutinées sur les fers. Là encore, ces reliques sont sublimées par la patine qui recouvre le béton et le transforme en une masse noire noueuse. Même si ces œuvres sont bien entendu conçues et présentées en relation à l’environnement -comme tout artiste s’intéressant au contexte de l’exposition dans lequel il intervient- John Cornu semble prendre plus de liberté dans ses dernières productions. Ces vestiges semblent moins une référence à un quelconque romantisme que la possibilité ouverte de brouiller les pistes, d’en finir avec un certain nombre de formes et de matériaux. Ainsi, s’il cite régulièrement cette formule de Mallarmé « La destruction fut ma Beatrix », c’est peut-être pour indiquer qu’une nouvelle phase de son travail est en germination. La dernière œuvre produite pour l’exposition en esquisse éventuellement l’orientation. Il s’agit d’un dessin aborigène reproduit au vin et à la gomme, cette dernière faisant apparaître les motifs en réserve. L’alcool étant devenu une des principales causes de mortalité des peuplades primitives d’Australie, le message est délivré par le liquide coupable, par une matériologie et une justesse si caractéristiques de la pensée de John Cornu.

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The art work put together by John Cornu refers to minimal and conceptual art materials in an explicit manner using, among other things, neon lights, shelves or tubular elements. He uses the assembly potential of those elements to arrange them in space using a mode related to organic proliferation, thus creating a visible contradiction with the worlds from which those forms originate. By this development, both rhizomic and viral, he explores an ensemble of situations that, according to the artist, offer “gradations” from pieces in situ to situated pieces (related to a context, without being derived from it). It consists of initial inflections imbuing a reference system and a vocabulary, which, up until now, seemed to admit but few differences. These breaches generate narrative beginnings or oneiric dimensions that add an extra stratification to the density of the pieces. Other pieces re-enact the attention to material and space, by offering the viewer the chance the ultimate glow of a neon light. Microphones are positioned close up against the luminous neon; ready to make audible this material blaze of glory identified with conceptual art. In the manner of his rain photographs, it seems that for these works, whatever the medium, the artist is on the lookout for what Roland Barthes described as punctum for photography (the instantaneous capture of what has been, and consequently of what remains absent).
On the subject of this conceptual goal, the most recent works of John Cornu reveal an appreciable evolution and propose simulacra of destruction, an orchestrated ending. For this exhibition, he presents pieces of wood leaning against the wall at regular intervals. As if charred and trimmed in some places, these elements have actually been sanded until the knots stand in the way of planing, then painted in black and patinated. It is doubtless because they have been stripped back to their bare bones that the artist defines them as painterly objects. On the other hand, their meticulously designed arrangement rather suggests ritual objects. Close by, pieces of broken concrete beams lie on the floor displaying their iron bars, like the arteries and veins of a flayed beast. Like flies attracted to carrion, a multitude of magnetic balls have clustered together on the iron bars. Here again, these relics are sublimated by the patina covering the concrete and transforming it into a gnarled black mass. Even though his work is understood to be conceived and presented in relation to its environment – like any artist interested in the context of the space in which he exhibits – John Cornu seems to take more liberties in his latest productions. These remains appear to be less a reference to any romanticism that the open possibilities to cover his tracks, to have done with a certain number of forms and materials. Thus, if he regularly quotes Mallarmé’s expression “Destruction is my Beatrix”, it probably indicates that a new phase of his work is in germination. The last piece produced for the exhibition possibly outlines his direction. It consists of an Aborigine drawing reproduced using wine and an eraser, the latter revealing the hidden designs. Alcohol having become one of the main causes of mortality amongst Australian Aborigines, the message is delivered by the guilty liquid, using a materiology and an accuracy so characteristic of John Cornu’s ideas.

© Marie-Cécile Burnichon, Communiqué de presse de l’exposition “Number seven”, Sébastien Ricou Gallery, Bruxelles
Traduction : James Curwen